L'herbe plumeuse et grise a cessé de nous agacer les joues. Nous avons senti la natte élastique au bout de nos sandales. L'air où nous entrions à reculons se teintait de roux tandis que le ciel blanc, au-dessus de la frise noire, s'éclairait comme si la lumière s'était remise à respirer en même temps que nous, s'enflât comme nos poitrines. C'est en respirant que nous nous sommes enfoncés dans l'obscurité, sans nous regarder que du même mouvement nous nous sommes dressés sur nos jambes, avons fait volte-face et dévalé la rampe qui émergeait sous nos pas de l'eau morte. Nous courions comme nous n'avions jamais couru, exactement sur la même ligne, taches claires, ailées, que talonnait peut-être l'assemblage terrifiant que nous avions bâti autour du grognement, nous demandant lequel de nous deux s'abattrait le premier, face contre terre, sous la lourde patte. — Pierre Bergounioux, La Bête faramineuse, Gallimard, 1986
J'aime beaucoup ce livre de Pierre Bergounioux où deux enfants partent en quête d'une Bête Faramineuse sur le plateau de Millevaches en Limousin. Comme eux, j'imagine la pratique artistique comme la recherche d'une bête invisible et immense, multicolore et terne, inquiétante et excitante à la fois. Une bête sans forme qui existe dans notre imagination. Une quête effrénée qui mène à la fuite quand on la trouve. Un prétexte à être ensemble intensément, comme Pierre avec son frère Michel.
Je suis né à Tarbes en 1990, j'ai grandi à Bordeaux et dans le Médoc. En 2013, je termine les Arts Décoratifs de Strasbourg (actuellement la HEAR) avec une recherche sur les ondes sismiques et electromagnétiques pour laquelle je réalise une édition, des linogravures, une sculpture sonore ainsi qu'un documentaire sonore sur les radioamateurs et les sismologues.
Je travaille ensuite comme graphiste pour différents clients, comme la ville de Bobigny, le centre d'art Khiasma ou l’artiste Vincent Chevillon, avec lequel je réalise la plateforme expérimentale archipels.org avec Samuel Rivers Moore. En 2017, avec la compagnie l’Unanime (Laura Fouqueré & Cyril Ollivier), j'entre dans le monde du spectacle et réalise la communication de plusieurs scènes conventionnées. Dans le même temps je participe avec le Collectif Etc à des chantiers qui me donnent l’occasion de travailler dans l'espace public sur des formes en volume.
À Marseille, Vincent Tuset-Anrès et Fotokino me donnent l’occasion d’exposer mon travail et de proposer des ateliers avec le FRAC PACA. Entre 2020 et 2023, avec Clémence Passot et Magali Brueder, nous pilotons Aero Club, studio de design graphique tourné vers les arts vivants, les arts plastiques et l’architecture. D'autre part, avec le Bureau des Guides GR2013 et le collectif SAFI (Dalila Ladjal et Stéphane Brisset) je réalise des éditions sur les questions d'écologie urbaine et péri-urbaine.
Aujourd'hui, je renoue avec une pratique documentaire que j'avais entamée pendant mes études, avec un projet d'édition d'archives et de photos sur les pratiques artistiques "en amateur" de mon père. Je développe aussi une pratique de l'objet avec des expériences au tour à bois et des objets volants, comme les girouettes ou le cerf-volant.